La première Coupe du Monde de rugby n'a pas eu lieu en 1987 en Nouvelle Zélande, ni même en 1954 avec celle du rugby à XIII (comme se targuent souvent les exégètes du XIII), mais en 1919 !
Rappel des faits : la grande guerre vient de prendre fin et la France regorge de solides gaillards, venus de tout le Commonwealth, pour en découdrent avec les armées du Keiser. L'occasion fait le larron.
L'idée germe d’abord dans les têtes anglaises qui réussissent le tour de force de convaincre le Roi Georges V (himself !) de parrainer l'événement. Sont représentées ; le Royaume uni, la Nouvelle-Zélande, l'Australie, l'Afrique du sud, et le Canada.
La compétition est programmée de début mars à mi-avril 1919. Seize rencontres sont prévues en Angleterre (Twickenham, Leicester, Bradford, Portsmouth) mais aussi en Ecosse (Inverleith) et au Pays de Galles (Swansea). L'épreuve se déroule avec une poule unique.
C'est la Nouvelle-Zélande (déjà elle !) qui finit première mais … ex æquo avec le Royaume-uni ! Une grande finale est donc organisée, le 17 avril 1919 à Twickenham, pour départager les vainqueurs. Pas moins de 10 000 spectateurs sont présents. Finalement la Nouvelle-Zélande l'emporte 9 à 3 sur le RU et reçoit la Coupe des mains du Roi.
Mais pourquoi la France n'était pas là, allez vous me dire ? Elle était bien là, mais en retard. En effet, les autorités françaises et les elites sportives du pays avaient encore la tête à panser les plaies des ravages de la grande guerre sur son territoire. C'est donc, à la hâte que l'USFA (ancêtre de la FFR) monte une équipe, sous l'autorité militaire, pour défier leurs homologues. René Crabos et Jauréguy sont désignés pour les entraîner. L'objectif est d'affronter les vainqueurs néo-zélandais, le plus vite possible. Deux semaines, pas plus !
Le 19 avril 1919, quinze français arrivent à Londres pour le grand duel. Bien loin d'être ridicule, l'équipe française emmenée par Philippe Struxiano tient bon jusqu'à la mi-temps avec un 3 à 3. Il faudra attendre la deuxième mi-temps pour voir les NZ se détacher et l'emporter 20-3. Mais la France vient de montrer qu'elle est à niveau.
L'histoire ne s'arrête pas là. Les Américains, vexés de ne pas avoir participer, décident d'inviter tout ce petit monde à les affronter à Paris, en juin. Seuls les Français et une sélection roumaine répondent présents. Qu'à cela ne tienne, les matchs auront bien lieu au stade Pershing (construit pour l'occasion). Et c'est la France qui sort vainqueur de cette compétition, baptisée Jeux Interalliés.
Bref, en l'espace de 4 mois, huit équipes de nations différentes se sont affrontées au rugby. Quoique formées de soldats, elle furent largement soutenues par leur jeunes fédérations nationales (exemple : 13 joueurs All Blacks dans l"équipe NZ). Une histoire souvent oubliée mais qui constitue un réel acte fondateur dans ce sport.